Apocalypse gore contre utopie spatiale : on a comparé les futurs de « 28 ans plus tard » et « Elio »
Animation Pixar contre tournage à l’iPhone, apocalypse gore contre émerveillement spatial… Tous deux sortis au cinéma ce mercredi 18 juin, les films 28 ans plus tard et Elio font des paris radicalement différents en matière de projection dans le futur. Verdict en cinq points-clés.

Sur le papier, les deux films ont peu de points communs. D’un côté, Elio, dernière sortie des studios Pixar, suit un garçon de onze ans à peine remis de la perte de ses parents, qui se retrouve soudain transporté à travers la galaxie et y rencontre des extraterrestres à la pelle. De l’autre, 28 ans plus tard, du Britannique Danny Boyle, renoue avec les origines post-apocalyptiques et low tech de la saga : sur une île, un petit groupe de survivants échappe tant bien que mal au « virus de la Fureur », le tout filmé en partie à l’iPhone 15.
Rien de bien comparable, donc, à ceci près que les deux longs-métrages sont sortis en salle le même jour, ce mercredi 18 juin, et que leurs récits cachent plus de points communs en matière de futur qu’il n’y paraît… Verdict en cinq points-clés.
Le meilleur enfant : Elio
C’est la première similitude, et sans doute la plus évidente, entre les deux films : les protagonistes d’Elio et 28 ans plus tard sont des enfants. Il s’agit en l’occurrence d’Elio Solis (Yonas Kibreab pour la voix originale, Nathan Dupont pour la voix française), 11 ans, pour le premier ; et de Spike (Alfie Williams), 12 ans, pour le second. Là où Elio doit faire face à la perte soudaine de ses parents (on y reviendra) dès le début du film, Spike garde les siens près de lui. Sa mère étant malade, c’est à son père que revient la charge de le former aux techniques de survie et de combat. Avant l’envol tant attendu, qui l’obligera à suivre une formation accélérée à l’âge adulte.
Parcours relativement balisé, donc, auquel on préfère le développement complexe et attachant du personnage inventé par Pixar, magnifiquement introduit dans une scène à l’intérieur d’une pièce de musée interactive, le regard déjà tourné vers les étoiles.
La meilleure famille recomposée : 28 ans plus tard
Si les deux blockbusters prennent pour point de départ ces figures d’enfant, c’est évidemment pour mieux interroger les familles (recomposées) au sein desquelles ils sont censés s’insérer. D’abord recueilli par sa tante Olga, Elio trouve vite une épaule sur laquelle s’appuyer en la personne de Glordon, jeune extraterrestre lui aussi en quête d’identité. Le scénario n’explore toutefois pas totalement cette possible reconfiguration, laissant finalement le champ libre à la réconciliation de la cellule nucléaire.
À peu près l’inverse du programme spirituel de 28 ans plus tard, qui n’a clairement pas peur d’inverser les rôles entre parent et enfant (du fait notamment de la maladie de la mère, Isla, incarnée par Jodie Comer). Jusqu’à se diriger vers un deuil ambivalent, à la fois profond et plein de dérision, quelque part entre un rituel funéraire sous psychotrope et une version punk des Télétubbies…

Le meilleur émerveillement : Elio
Au milieu de ce joyeux bordel orchestré par Danny Boyle et son scénariste Alex Garland (Ex Machina, Civil War…), il est en revanche difficile d’admirer quoi que ce soit : le montage fonce tête baissée vers l’action dans sa forme la plus gore, les gros plans « chocs » et les effets de style se multiplient à toute vitesse, les personnages secondaires défilent et disparaissent à la manière d’un jeu vidéo, etc. Résultat, le film ne ressemble assurément qu’à lui-même… et ce n’est pas toujours pour le meilleur.
Outre son efficace formule esthétique made in Pixar, le récit d’Elio, lui, a surtout l’intelligence de reprendre sa respiration quand il faut. Notamment pour respecter sa promesse d’exploration spatiale dans sa première partie, lorsque nous sont offerts sur un plateau des plans contemplatifs d’éléments cosmiques divers et variés (ceintures d’astéroïdes, anneaux planétaires, débris spatiaux). Tout simplement bluffant – et nettement plus reposant.
La meilleure altérité : 28 ans plus tard
Que ce soit dans les confins de l’espace ou sur les rives écossaises, les rencontres impromptues peuvent changer du tout au tout la façon de se projeter dans le futur. Ainsi du « Communiverse » dans lequel est propulsé par erreur Elio, sorte d’élite parlementaire de toutes les galaxies. Petite déception à ce niveau-là : au moment de représenter toute la variété du vivant interstellaire, outre un « super-ordinateur liquide », le film donne l’impression de s’inspirer de ce qui a déjà été fait (en mieux) ailleurs, reprenant à son compte des formes et des langages globalement anthropomorphiques.

Par définition plus terre-à-terre, 28 ans plus tard imagine des mutations ultra-violentes du « virus de la Fureur » : « rampe-lents », « alphas »… et au passage quelques têtes décapitées. Une radicalité rare pour un blockbuster de ce calibre, dont l’apogée est sans doute cette scène d’accouchement-zombie insoutenable, à regarder de préférence les mains devant les yeux.
Le meilleur futur : 28 ans plus tard
Résultat des courses ? À l’arrivée, il nous semble que c’est bel et bien le futur proposé par 28 ans plus tard qui vaut le plus le détour. Car au-delà de sa mise en scène très particulière (qui aura, disons-le, de quoi rebuter plus d’un spectateur), cet inattendu troisième volet a surtout le mérite d’imaginer, avec autant de sérieux que de dérision, ce à quoi ressemblerait une société insulaire post-apocalyptique : retour à l’autonomie alimentaire, nouvelles formes de spiritualité, redéfinition des liens familiaux… Sous la surface ultra-gore du film, se cache même une certaine foi envers les générations futures, certes héritières d’un passé catastrophique mais justement capables, pour cette raison, de redéfinir l’avenir à leur manière.