Seuls 40 % des parents britanniques apprécient faire la lecture à leurs enfants
C’est ce que révèle un sondage mené récemment par le groupe Nielsen et la maison d’édition HarperCollins. « Préoccupée », cette dernière craint que la lecture ne devienne ainsi, dans l’esprit des jeunes générations, « un devoir à faire » plutôt qu’une activité désintéressée.

On savait l’écriture (manuscrite) en voie de disparition, du fait du développement croissant des notes vocales et des messageries instantanées notamment. Faudra-t-il bientôt également dire adieu à la lecture – ou du moins à la lecture en tant que loisir ? Un sondage publié le 30 avril dernier au Royaume-Uni tend à le suggérer : selon les branches britanniques du groupe Nielsen et de la maison d’édition HarperCollins, seuls 40 % des parents d’enfants âgés de 0 à 13 ans affirment trouver « amusant » de « lire à leurs enfants ». Un manque d’intérêt qui se traduit également dans la pratique, puisque presque autant (41 %) de parents d’enfants âgés de 0 à 4 ans disent aujourd’hui lire à haute voix « fréquemment » à leurs enfants, alors qu’ils étaient 64 % en 2012.
« Trop de devoirs scolaires »
« Préoccupée » par ces résultats, Alison David, directrice du département Consommation chez HarperCollins, craint que de nombreux enfants grandissent ainsi « sans une culture de lecture positive » à leur domicile. Absence qui pourrait déboucher, selon elle, sur une dévalorisation de cette pratique en tant que loisir : « Cela signifie que [les jeunes concernés] sont plus susceptibles d’associer la lecture à un devoir, une activité sur laquelle ils sont évalués et qu’ils peuvent réussir ou non, plutôt qu’à quelque chose qu’ils pourraient apprécier [pour eux-mêmes] », de façon désintéressée, met en garde Alison David. Entendre : une compétence plutôt qu’une activité.
Or, et c’est tout le problème, cette question de la charge de travail constitue en soi l’un des facteurs poussant les parents à renoncer en premier lieu à la lecture. « Depuis 2012, on constate une forte augmentation du nombre de parents déclarant que leurs enfants ont trop de devoirs scolaires pour avoir le temps d’effectuer des lectures : 49 % en 2024 contre 25 % en 2012 pour les parents d’enfants de 5 à 13 ans », peut-on lire dans le communiqué de presse issu de l’enquête statistique.
Un cercle vicieux de « pression croissante » se met ainsi en place, au détriment des enfants mais aussi des parents, 34 % de ces derniers « regrettant de ne pas avoir plus de temps » pour lire à leurs progénitures. Sans compter la question des inégalités économiques, que mettait déjà en lumière Rhiannon Lucy Cosslett, chroniqueuse au Guardian, en novembre 2024 : « À une époque où la pression financière est énorme et où la pauvreté infantile atteint des sommets, la lecture est souvent reléguée au second plan […] Aller à la bibliothèque peut prendre du temps et nécessiter des transports. On travaille de longues heures et on a souvent peu de marge de manœuvre entre le retour à la maison, la préparation du soir et le coucher. Trouver une histoire peut être difficile, surtout si l’on a plusieurs enfants. »
La lecture comme « lien social »
Pire : à l’école, les professeurs britanniques eux-mêmes se voient de plus en plus contraints de renoncer à leurs sessions de lectures d’histoires pour enfants, conçues purement et simplement à des fins de « détente » et donc moins valorisées par le système scolaire. En 2024, seulement 24 % des enfants âgés de 5 à 10 ans bénéficiaient de quotidiennement de ce type de séance dans les écoles outre-Manche, un chiffre en baisse de cinq points par rapport à 2023 (29 %).
Autre piste d’explication, plus attendue cette fois : les parents issus de la « génération Z » (concept marketing désignant les personnes nées après 1997) ayant eux-mêmes grandi avec les écrans, ils seraient plus susceptibles de penser, d’après HarperCollins, que « le plaisir vient davantage des divertissements numériques que des livres ». Par ailleurs, certains parents ont visiblement le réflexe d’arrêter de lire à leurs enfants dès que ces derniers sont capable de lire eux-mêmes à voix haute ou dans leur tête, parce qu’ils présupposent que « cela les rendrait paresseux » – ce qui n’est généralement pas vrai, précise l’étude.