Festival de Cannes 2025 : nos Palmes du futur
Ce samedi 24 mai, le jury du 78ème Festival de Cannes désignera le film qui succédera à Anora pour la Palme d’or. Fidèle à ses obsessions éditoriales, Usbek & Rica dresse son bilan parallèle à travers trois Palmes fictives, récompensant les meilleurs longs-métrages conjugués au futur des différentes sélections.

Disons-le d’emblée : la (toute) petite sélection que vous vous apprêtez à lire ne prétend pas à l’exhaustivité. Entre la rituelle compétition pour la Palme d’or, les annexes de la sélection officielle (Un certain regard, Hors compétition, Séances spéciales…) et les sélections parallèles (Quinzaine des cinéastes, ACID…), difficile de condenser en quelques lignes le meilleur des choses vues et aperçues lors de notre passage par le Festival de Cannes, qui s’achève ce samedi 24 mai après dix journées rythmées par le rituel défilé des stars, des conférences de presse et des projections à la chaîne. En attendant de rattraper les films que nous avons raté de justesse (Résurrection, Orwell: 2+2=5…) et ceux qui nous ont déçu (Mission: Impossible – The Final Reckoning, Dalloway…), voici malgré tout, en toute subjectivité, nos trois Palmes du futur.
Notre Palme du post-apo : Sirāt (Sélection officielle – Compétition)
On ne l’avait pas repéré lors de notre recension des films les plus attendus par chez nous, et pourtant : Sirāt, de l’espagnol Oliver Laxe, se conjugue bel et bien au futur. Un futur qui avance masqué, puisque tout commence ici par une banale disparition. Celle de Marina, que son père Luis et son frère Esteban recherchent au milieu d’une rave party en plein désert marocain, ciel bleu clair et sable orange vif, là où elle aurait été vue la dernière fois, il y a plusieurs mois. Jusqu’à l’arrivée soudaine d’un régiment militaire, chargé de mettre un terme à la fête au motif d’un sybillin « état d’urgence ».
Crise nucléaire ? Fin du monde ? Plus tard, à la radio, on entendra l’expression « Troisième guerre mondiale », sans que le contexte géopolitique ne soit davantage détaillé pour autant. Qu’importe : hommage évident à Mad Max, Sirāt se veut un road movie post-apocalyptique dément et hypnotique, économe en dialogues mais plein à craquer de tension et de suspens, aussi soigné sur le plan de sa mise en scène que dans son utilisation de la musique (l’expérience de la salle est indispensable pour cela pleinement apprécier les incroyables morceaux de Kangding Ray). On sait déjà qu’on s’en souviendra longtemps.
Sortie le 3 septembre 2025.

Notre Palme de la jeunesse (paumée) : Laurent dans le vent (ACID)
« Aimer et être aimé », répond Laurent (Baptiste Perusat) à Santiago (Thomas Daloz) lorsque ce dernier lui demande « son plus grand rêve ». Un projet d’une désarmante simplicité, que partagent avec lui tous ceux qui l’entourent à cet instant précis de son existence : non seulement Santiago, donc, fan de vikings qui se verrait bien enfin « partir de chez sa mère » ; mais aussi cette même mère, Sophia (Béatrice Dalle), heureuse d’offrir l’hospitalité au premier venu ; et puis Lola, vieille femme recluse toute seule chez elle, non loin de là, sur le point de passer l’arme à gauche car cette fois, ça y est, elle « en a marre ».
Chacun sa petite utopie : tel pourrait être le mantra de ce film aussi inclassable que rafraîchissant, qui saisit indéniablement quelque chose de l’état de la jeunesse contemporaine. Après Mourir à Ibiza, le trio de cinéastes Anton Balekdjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon atterrit cette fois dans le décor idyllique des Hautes-Alpes. Nichés dans la station de ski Les Orres, ils content l’histoire d’un personnage hagard de 29 ans, envoyé malgré lui se ressourcer à sa sortie d’hôpital psychiatrique, sans travail ni logement. Le résultat est un récit solaire qui, derrière ses apparences de fable flottante, recèle une préoccupation sincère pour la capacité de ses personnages à se projeter dans l’avenir – et par extension pour l’avenir de la société elle-même.
Sortie prochainement.

Notre Palme de l’utopie : Arco (Sélection officielle – Séances spéciales)
Les oiseaux chantent, le ciel est bleu, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. À bien des égards, le début du film d’animation Arco prend la forme d’une harmonieuse utopie solarpunk : dans un futur (très) lointain, perché sur une plateforme verdoyante, le personnage éponyme attend le retour de ses parents et de sa sœur, partis comme chaque jour faire des bonds dans le temps grâce à leurs combinaisons arc-en-ciel. Sauf qu’Arco, tout ado impatient qu’il est, veut lui aussi prendre sa part, bien décidé à outrepasser l’interdiction des vols aux moins de 12 ans qui l’empêche d’accomplir son plus grand rêve – aller voir les dinosaures. Un saut dans le vide plus tard, il atterrit finalement dans une banlieue pavillonnaire de l’an 2075, où il tombe nez-à-nez sur une petite fille de 10 ans prénommée Iris.
Brillamment écrit et ouvragé, le film privilégie dès lors le point de vue de cette dernière. Ce qui lui permet non seulement de connecter les états d’âme des deux personnages, mais aussi de révéler progressivement le soubassement de l’imaginaire (pas si) « idyllique » susmentionné : la « Grande Jachère », soit cette gigantesque montée des eaux sur le point de contraindre, à la fin du XXIème siècle, l’espèce humaine à se planquer dans les nuages. Entre douceur et alerte (voir les très spectaculaires scènes finales d’incendies), le réalisateur Ugo Bienvenu, jusqu’ici surtout connu pour ses bandes-dessinées (Préférence système, Paiement accepté…), signe un premier long-métrage somptueux et attachant.
Sortie prochainement.
